Quand il faut changer ses plans : mon voyage improvisé en mini-van dans l’hiver norvégien

Après une longue pause suite à 15 mois d’aventures à vélo à travers l’Europe et l’Afrique, j’étais optimiste pour reprendre mon voyage à vélo en janvier 2025. Mais parfois, la vie nous réserve d’autres plans…

Mon voyage à vélo s’est arrêté brutalement en juillet 2024, à cause d’une tendinite à l’épaule survenue à mon arrivée à Cape Town. J’avais alors tenté de poursuivre mon périple en Asie centrale, rêvant de la mythique route du Pamir, mais j’ai dû me résoudre à voyager en train à travers l’Ouzbékistan, avant de rentrer à Paris. Ce retour prématuré fut un vrai coup dur.

De septembre à décembre 2024, j’ai enchaîné kinésithérapie, examens et séances médicales, tout en travaillant en CDD. J’y croyais vraiment : je m’étais préparée à repartir en janvier 2025. Mes sacoches étaient prêtes ! Mais fin décembre, la réalité m’a rattrapée. Mon épaule, elle, n’était pas prête à repartir en voyage à vélo. Et comme je ne suis jamais à court de projets, j’ai pris une décision : partir en mini-van, à la découverte de destinations que je n’aurais pas envisagées à vélo. La Norvège m’avait tellement marquée à l’été 2023 que j’ai décidé d’y retourner pour voir comment c’était en plein hiver !

Un Kangoo aménagé en trois semaines chrono

Concrètement, une fois que j’ai compris que je ne pourrai malheureusement pas reprendre le voyage à vélo dont je rêvais — d’abord vers le Maghreb et le Sénégal, puis vers l’Asie centrale —, je me suis décidée à acheter un véhicule pour partir en trip différemment. Après des heures passées sur Le Bon Coin à écumer les annonces, je me suis décidée le 23 décembre pour un Kangoo Maxi. Un peu plus long qu’un Kangoo classique, cet utilitaire avait l’avantage d’être compact tout en offrant assez d’espace pour qu’une personne puisse y dormir confortablement, manger et vivre en autonomie.

Il ne me restait alors que trois semaines pour aménager le véhicule car j’avais décidé de conserver comme dead line un départ début janvier. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un père très bricoleur et bien outillé. J’ai loué une place de parking couverte juste à côté de chez mes parents à Paris pour qu’on puisse bricoler à l’abri.

Mon père élaborant une maquette de mon futur lit-peigne

Je visais un aménagement sommaire : une banquette – lit, une table et un peu de rangement. Après 15 mois à vivre avec mes affaires réparties dans quelques sacoches de vélo, ce Kangoo allait me sembler être très confortable. Mais je ne me rendais pas encore compte du chantier qui nous attendait.

J’ai commencé par chercher une nouvelle porte latérale vitrée, sur le fameux site d’annonces, pour gagner un peu de lumière à l’arrière. Premier problème : la porte achetée n’était pas parfaitement compatible avec mon modèle de Kangoo. Trois heures plus tard, après moult ajustements, elle était enfin installée.

Ensuite, on s’est attaqué à l’intérieur. Avec mon père, on a dû décaper et poncer l’ensemble des parois, recouvertes d’anciens résidus de colle utilisés pour fixer de la moquette. Une fois le véhicule propre, on a commencé l’isolation. Après avoir regardé des dizaines de tutoriels sur YouTube, j’avais opté pour de l’Armaflex, réputé simple à poser. Mais je vais vous révéler un secret : les YouTubeurs ne montrent jamais les galères auxquelles ils sont confrontés. Poser les grandes plaques d’Armaflex est facile, oui. Mais quand il faut le découper pour épouser chaque recoin biscornu du véhicule – et il y en a – c’est une autre histoire. Le moindre interstice demandait des découpes minutieuses, et il y en avait des dizaines.

Ponçage de la cabine

Puis, on est passés à la pose des tasseaux, indispensables pour fixer le plancher et l’habillage de la cabine pour laquelle on a opté pour du lambris PVC sur les murs et le plafond, et des dalles de PVC au sol. Là encore, la pose des grandes surfaces allait vite, mais les découpes pour les coins, les courbes et les finitions prenaient un temps fou.

Enfin, on a fabriqué un lit peigne — un système simple et efficace qui se déplie pour former un lit et se replie pour faire office de banquette. À cela s’ajoutait un meuble de rangement pour mes affaires. Pas de chauffage (trop compliqué pour un petit utilitaire), pas de circuit d’eau non plus. Pour la cuisine, un simple réchaud posé sur la table ferait parfaitement l’affaire.

Pose des tasseaux

Pendant trois semaines, mon père et moi avons travaillé 8 à 9 heures par jour sans relâche. Et pendant ce temps, ma mère prenait soin de nous, nous préparant chaque midi un bon repas pour reprendre des forces.

Avant de partir, un passage chez le garagiste s’imposait pour préparer le Kangoo aux conditions scandinaves : changement de la batterie et des bougies pour qu’elle démarre au quart de tour ; et installation de pneus neige, obligatoires mais surtout indispensables en Norvège.

Et c’est comme ça que, le 16 janvier 2025, avec un jour de retard sur mon planning initial, j’ai pris la route vers la Norvège. Un vrai marathon pour être prête à temps, mais une nouvelle aventure pouvait enfin commencer.

Cap au nord : en route vers la Norvège

Je suis montée vers la Norvège en mode express, enchaînant les kilomètres et ne m’arrêtant que pour les pauses nécessaires. Mon objectif était clair : atteindre le sud de la Norvège rapidement, puis prendre le temps d’explorer les paysages que je n’avais pas découverts lors de mon précédent voyage à vélo, à l’exception d’Oslo.

Réveil au bord de l’eau, sous un ciel bleu, au Danemark, l’aventure commence !

Les premiers jours ont été marqués par quelques galères mécaniques et une prise en main progressive de la vie en van en hiver. Ma première nuit dans le Kangoo m’a rassurée : bien au chaud dans mon duvet, bonnet sur la tête et chaussettes épaisses aux pieds, j’ai dormi comme un loir malgré une température proche de zéro.

Voyager en mini-van l’hiver : défis et découvertes

Après avoir traversé la Belgique, l’Allemagne, le Danemark et la Suède, j’atteins la Norvège. Les premières images du sud norvégien enneigé m’émerveillent : fjords gelés, petits villages aux maisons colorées et routes bordées de neige. Dès ma première nuit dans le pays il neige, ça y est, j’y suis !

Réveil sous quelques flocons de neige auprès du Fjord d’Oslo, l’aventure continue…

Rapidement, j’ai plongé dans l’exploration des paysages norvégiens. Les visites se sont enchaînées, chacune offrant son lot de découvertes. Stavanger m’a charmée avec ses maisons en bois et son musée du pétrole, éclairant les enjeux économiques et environnementaux du pays. Bergen, quant à elle, dévoile tout son charme avec son quartier de Bryggen et ses ruelles pittoresques, malgré un ciel gris qui ternit légèrement l’ambiance. Mais ce sont surtout les paysages naturels grandiose qui m’ont attirée vers la Norvège. Ainsi, le Hardangerfjord que je suis en voiture sur toute sa longueur, m’offre des panoramas splendides, même si les couleurs hivernales lui donnent parfois un aspect un peu morne : les arbres sont dépouillés, les sapins semblent assombris et les prairies jaunies par le froid.

Quand la lumière est belle, les reflets sur les fjords peuvent être incroyables

Je m’offre le luxe de prendre tout mon temps, d’explorer les petits villages côtiers et de profiter des paysages hivernaux, tout en apprivoisant cette nouvelle façon de voyager. Mes journées s’organisent autour de petites randonnées dans les forêts enneigées ou le long des fjords, souvent désertes en cette saison. Je m’arrête aussi souvent que possible pour observer les jeux de lumière sur les fjords, savourant le calme qu’offre l’hiver norvégien.

Lac gelé

À mesure que je monte vers le nord, la neige est de plus en plus présente. Sur les grandes routes, le bitume est systématiquement déneigé, ce qui facilite la conduite. Mais dès que je bifurque sur les petites routes, ce n’est plus le cas. Je découvre la conduite sur les routes enneigées, par précaution il m’arrive de faire demi-tour quand je sens que ça va se compliquer. Mais je me suis tout de même faite coincer dans une tempête de neige à mi-chemin d’un col, ce qui m’a obligée à mettre mes chaînes pour passer les derniers lacets. Test passé avec succès !

Poser des chaînes, même avec le mode d’emploi sous les yeux, ce n’est pas si simple !

J’ai beaucoup apprécié pouvoir visiter le sud de la Norvège en toute tranquillité, avec très peu de touristes sur les routes comme sur les sites les plus réputés, ce qui est un vrai privilège. Mais je découvre rapidement les limites du voyage hivernal, ce qui m’a un peu déçue. De nombreuses routes touristiques de montagne sont fermées pour des raisons de sécurité, ce qui restreint considérablement l’accès à certains sites. À cela s’ajoute le fait que la plupart des excursions ne commencent qu’en avril ou mai, et que certains ferries, comme ceux permettant de naviguer sur le Geirangerfjord, sont à l’arrêt. Tous ces obstacles rendent l’exploration hivernale complexe. Au final, même si l’hiver a son charme, je déconseille de visiter le sud de la Norvège avant le retour des beaux jours. En observant les paysages endormis, j’imaginais à quel point ces fjords, ces montagnes et ces villages doivent être spectaculaires au printemps ou en été, quand la nature reprend vie et que les couleurs explosent.

Geiranger Fjord

Trouver ses marques et renouer avec le plaisir du voyage

Après trois semaines sur les routes norvégiennes, j’ai tiré quelques enseignements précieux sur la logistique de ce type de voyage. Par exemple, il est indispensable de rouler tous les jours, ne serait-ce que quelques kilomètres, pour réchauffer l’habitacle avant de se poser pour la nuit. Ce coup de chauffage permet de démarrer la soirée relativement au chaud. Même si ça ne tient pas bien longtemps : si je gare le Kangoo avec 20°C vers 17h30, il ne fait déjà plus que 14°C, voire 10°C, à 21h, selon la température extérieure. Malgré nos efforts pour isoler le van au mieux, ce n’est pas magique.

Le matin, je me réveillais généralement avec une température intérieure de 3 à 5 degrés au-dessus de celle de l’extérieur. Par exemple, s’il fait 2°C dehors, j’ai environ 5°C dans le van. Lors d’une nuit particulièrement froide en altitude, où il faisait -10°C dehors, je me suis réveillée avec -5°C à l’intérieur ! Heureusement, mes deux duvets superposés m’assurent des nuits chaudes et confortables. Le moment le plus difficile c’est de sortir du duvet et de m’habiller, mais une fois chaudement vêtue, je suis prête pour préparer le petit-déjeuner, et je ressens beaucoup moins le froid que le soir quand la fatigue accentue le ressenti du froid.

Bergen, quartier Bryggen

Parmi mes découvertes sur la vie en van, je réalise aussi que trouver un spot pour garer son véhicule n’est pas toujours plus simple que pour planter sa tente. Les nombreux panneaux « Camping-car interdit » limitent les options, et certains accès sont complètement bloqués par la neige, compliquant la recherche d’un endroit sûr et confortable pour la nuit. Mais suis-je vraiment concernée avec mon Kangoo ? J’utilise principalement l’application Park4night pour repérer les lieux adaptés. Cela m’a permis de dormir dans des endroits magnifiques, au calme, au bord des fjords, mais je me suis parfois résignée à me poser dans des endroits beaucoup moins glamours comme en pleine ville ou sur le parking d’un gymnase. De toute manière le soir, une fois garée, j’installe immédiatement mes panneaux isolants sur les vitres et je tire mes rideaux pour conserver au maximum la chaleur intérieure, et la condensation dans l’habitacle ou le givre sur le pare-brise au petit matin m’empêchent de profiter pleinement de la vue, donc l’emplacement a finalement peu d’importance.

Pour l’hygiène, Park4night m’a également été d’une grande aide : j’ai découvert que de nombreux ports et stations-service offrent des douches, un luxe indispensable en hiver, surtout quand la majorité des campings est fermée. Ce mode de voyage demande une certaine organisation et une bonne dose de flexibilité, mais chaque petit problème est largement compensé par la beauté des paysages et la liberté totale d’explorer le pays à mon rythme.

Eglise en bois debout de Vik

Pour autant, il m’a fallu un certain temps pour vraiment prendre du plaisir dans ce nouveau périple. J’étais pourtant très excitée à l’idée de tester ce mode de voyage, dans un van que j’avais aménagé (presque) moi-même  ! Mais je ne pouvais m’empêcher de comparer cette expérience à mon voyage à vélo écourté. En effet, il y a de nombreuses similitudes entre les deux : le fait d’être en mouvement tous les jours, la liberté qu’offre le voyage au long cours sans date de retour prévue. J’ai néanmoins ressenti une certaine mélancolie en pensant que je n’étais pas en train de découvrir le Maghreb à vélo, comme je l’avais initialement imaginé.

Petit port de pêche sur la route de l’Atlantique

Par ailleurs, voyager en van crée une sorte de barrière invisible. Contrairement au vélo, qui attire souvent la curiosité et la sympathie des gens, la voiture isole. On reste enfermé dans son habitacle, et il est facile de passer des journées entières sans échanger un mot avec qui que ce soit, à part à la caisse du supermarché – et encore, si on n’utilise pas les caisses automatiques.

Moi qui suis habituée aux voyages en solo, qui aime ça et qui ai toujours pensé que voyager seule ne signifie pas forcément être solitaire, j’ai été un peu confrontée à la solitude cette fois. Mais à mesure que je montais vers le nord, les paysages devenaient de plus en plus enneigés et correspondaient parfaitement à ce que j’étais venue chercher. Le passage du cercle polaire sur la route de l’Arctique et qui traverse des paysages immaculés et sauvages a été un moment mémorable.

Passage du cercle polaire arctique en tenue de circonstance

Petit à petit, chaque jour apporte donc son lot de découvertes. J’ai réussi à m’adapter à ce mode de voyage, et même s’il est moins intense physiquement que le vélo, il est également riche en émotions et en surprises. Je poursuis donc ma route vers le nord, à la chasse aux aurores boréales, et curieuse de découvrir ce que les paysages des iles Lofoten jusqu’au Cap Nord enneigés ont encore à me réserver.

Quand ça gèle en bord de route, ça gèle !

4 commentaires

  1. Bravo Audrey, tu n’as pas fini de nous épater!
    Cette découverte avec toi des pays du grand nord est magnifique
    continue à nous raconter ton périple, cela permet de rêver !
    Je t’embrasse affectueusement

    Brigitte

  2. Bravo pour ce texte bien écrit, cette aventure courageuse et le fait de trouver le positif dans ce plan B

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