De Narvik à Tromsø : 1 200 km magnifiques à travers les Îles Lofoten et Vesteralen 

=> du 12 juin au 1er juillet 2023, Norvège.

En théorie, si vous regardez sur une carte, il n’y a que 238 km pour rallier Tromsø depuis Narvik. J’ai décidé d’en ajouter un petit millier pour pimenter un peu l’aventure, mais aussi et surtout pour visiter les fameuses îles Lofoten, l’archipel célèbre pour ses villages de pêcheurs colorés au cœur de fjords majestueux. J’ai ainsi passé 20 jours dans ces deux archipels, dont 17 sur mon vélo, me laissant le temps d’arpenter un maximum de petites routes.

Mon itinéraire de Narvik à Tromsø à travers les îles Lofoten et Vesteralen

Une entrée dans les Vesteralen difficile

En quittant Narvik, j’ai décidé de rejoindre directement l’archipel des Vesteralen pour descendre vers le sud en direction de Å, le village le plus au sud de l’archipel des Lofoten, puis remonter vers le Nord. Particulièrement contente d’avoir rejoint cette destination phare de mon voyage, j’ai quitté Narvik sous une météo capricieuse, j’avais repéré quelques côtes bien raides sur le trajet, mais j’étais motivée. Cependant la journée s’est avérée être l’une des plus difficiles à affronter. Avec un vent de face et de la pluie, j’avais froid et l’impression que mon vélo refusait d’avancer sans comprendre pourquoi. Je pense même avoir vérifié que mes freins ne frottaient pas ! Le trajet n’était pas des plus agréables, j’ai été à deux reprises obligée de faire demi-tour sur la piste cyclable fermée pour cause de stockage de matériel de travaux, c’est assez frustrant. J’ai finalement arrêté ma journée avant l’objectif prévu, lorsqu’au milieu d’une longue côte, me prenant des rafales de vent de plus en plus fortes dans la figure, j’ai cédé au panneau indiquant un camping au fond d’un fjord. Je savais pourtant pertinemment que ça signifiait redescendre au niveau de la mer, et donc remonter tout ce que je venais de grimper difficilement le lendemain matin.

Ce moment où il faut faire demi-tour…

Ce premier soir, j’étais donc un peu dépitée et déprimée à la fois. Dans ces cas-là, je remets tout en question, me demandant comment je vais réussir à affronter la suite du voyage si je ne suis même pas capable de rouler 65 km avec un dénivelé inférieur à 1000 mètres. Ce qui n’a évidemment aucun sens puisque deux jours auparavant j’en roulais 115 dans la journée sans me poser plus de questions !

Les paysages sont déjà magnifiques

Le lendemain, après une longue nuit reposante, j’ai attaqué cette côte avec beaucoup plus de philosophie, « tout à gauche », comme disent les « vrais cyclistes », c’est-à-dire petit plateau grand pignon, à 5 ou 6 km/h en prenant tout le temps nécessaire, c’est passé facilement, comme le reste de la journée. La météo était plus clémente il est vrai, mais la route pas vraiment plus facile. En revanche, j’ai pris le temps de faire des pauses : une pause le matin, après 1h30 ou 2h de route, une pause pour déjeuner, et au moins une pause l’après-midi également. Évidemment quand il fait beau et que je trouve un joli spot, avec éventuellement une table de pique-nique pour me poser confortablement, je ne me pose pas de question. Mais parfois, quand il pleut et que je ne trouve aucun coin pour m’arrêter, je continue en espérant trouver un spot un peu plus loin, ce que j’avais fait la veille, finissant par me poser pour déjeuner à 14h30… et pédaler le ventre vide, même si on n’a pas faim, c’est impossible, et ça explique pourquoi mon vélo refusait d’avancer. En fait ce n’était pas mon vélo mais mon corps !

Route d’Andoya au petit matin

Le 3ème jour en direction du sud, j’ai enchaîné 7 tunnels dans la journée, 15 km au total, dont un de 6 kilomètres de long. Les tunnels sont des portions particulièrement difficiles pour les cyclistes car non seulement il fait noir, souvent froid et humide, mais en plus le revêtements parfois très mauvais et l’absence de visibilité rend l’évitement des nids de poules quasiment impossible. Mais aussi, et surtout, les véhicules doublent parfois à très grande vitesse, sans toujours laisser une distance de sécurité suffisante, et c’est hyper bruyant, ce dont on ne se rend pas compte lorsqu’on est en voiture. Malgré cela, à chaque sortie de tunnel j’étais contente de découvrir de nouveaux paysages magnifiques et je n’aurais voulu être nulle part ailleurs. Sauf peut-être à l’occasion de la traversée de mon dernier tunnel de la journée, 3,3 km, qui ne traversait pas un montagne mais passait sous la mer. Une pente à 8% dont je me serais volontiers passée alors que j’avais déjà 80 km dans les pattes. Je l’ai terminée en poussant laborieusement mon vélo. Mais j’ai été récompensée le soir par un magnifique bivouac sur la plage. De nouveau je n’aurais voulu être nulle part ailleurs !  

Borkenes : un des si nombreux ponts à travers l’archipel. Parfois ca monte dur mais c’est toujours mieux que les tunnels.

Les Îles Lofoten, the place to be pour les cyclotouristes

Après 3 jours dans les îles Vesteralen, j’ai rejoint les îles Lofoten. En l’espace d’une journée j’ai croisé plus de cyclotouristes que je n’en avais vus depuis le début de mon voyage, et plus de camping-car que je n’en avais probablement vus de toute ma vie !

C’est en attendant les ferrys qu’on a l’occasion de discuter un peu avec les autres cyclos

Cependant cette concentration de cyclos nuit un peu à la convivialité car c’est à peine si on se salue entre nous. J’ai aussi ressenti une distance entre les bikepackers, ceux qui voyagent hyper léger, avec des sacoches qui se fixent sur le cadre et la fourche sans porte-bagage, et les cyclotouristes « à l’ancienne » dont je fais partie. Les premiers, qui roulent aussi avec des vélos plus légers, voyagent souvent pour des durées moindres, et s’accordent le minimum de confort, privilégiant la vitesse en faisant des distances d’au moins 100, voire parfois 150 km dans la journée.  Pour ma part, j’ai au contraire choisi de profiter de cette magnifique région et des belles journées que j’ai eu la chance d’avoir pour raccourcir mes distances quotidiennes et arriver au bivouac plus tôt, trouvant même le temps d’ouvrir ma liseuse et de savourer ces moments de détente dans ma chaise pliante que je suis bien contente de porter, même si certains considèrent cela inutile !

Sortir ma liseuse sous le soleil et face à la mer et aux montagnes, quel bonheur !

Ce côté ultra-touristique des Lofoten a ses avantages, par exemple on trouve beaucoup de supérettes ou de toilettes publiques, rendant le quotidien du cycliste assez facile, mais il y a aussi le revers de la médaille : le trafic sur la route bien sûr, mais aussi le bivouac pas toujours facile. En effet, alors qu’en Norvège, le droit d’accès à la nature donne en théorie le droit de bivouaquer partout, y compris sur des terrains privés, tant qu’on est à plus de 150 mètres d’une habitation, la réalité aux Lofoten est plus complexe. Souvent, sur le bord de la route, des panneaux ont été posés, probablement par les locaux, pour indiquer qu’il s’agit d’un terrain privé interdit d’accès et/ou que le camping y est interdit.

Ainsi, alors que la carte me laissait penser que je trouverais facilement un bivouac au bord de l’eau, il m’est arrivé de chercher pendant plus d’une heure et demi un endroit pour dormir sans succès car soit le terrain ne s’y prêtait pas (en pente, bosselé, marécageux ou avec des plantes à épines), soit il y avait des maisons, ou encore des moutons… Ce soir là, j’avais bien tenté de demander conseil à un riverain dans son jardin mais ce dernier m’a juste indiqué que je pouvais planter ma tente où je voulais… merci je savais, mais ça n’est pas si simple. Une demi-heure plus tard, de guerre lasse, voyant un terrain plat et tondu au bord de la mer à l’entrée d’un village, je suis allée frapper à la porte de la maison d’en face pour demander si je pouvais m’y poser pour la nuit. C’était juste au bord de la route, mais une petite route très peu fréquentée dont le trafic ne serait pas gênant. Le couple de propriétaire m’a accueillie avec une grande gentillesse. La dame m’a d’abord proposé une douche, puis de la salade que j’ai acceptée volontiers. Quand je l’ai vu arriver avec sa salade de pâtes et un grand verre de vin rouge, mes déboires de recherche de bivouac isolé se sont rapidement volatilisés !

En cherchant bien on trouve néanmoins des spots de bivouac au calme magnifiques

Une autre fois, après une « I don’t know » presque glaçant de la part d’une habitante, j’ai décidé de bifurquer dans un chemin au cœur des champs qui longeaient la mer et suis tombée sur le propriétaire que je n’avais pas vu depuis la route. Lui ne parlais pas anglais, mais il a vite compris ma demande et avec des grands gestes m’a indiqué qu’il fallait que j’aille tout droit puis à gauche. C’est ainsi que j’ai planté ma tente au bord d’un fjord magnifique avec les montagnes en face, sur un terrain plat et tondu de nouveau ! Il ne faut jamais désespérer mais toujours persévérer.

Un archipel qui tient ses promesses

S’il y a autant de cyclos et de camping-cars, mais aussi de randonneurs et de voyageurs en road-trip classique en voiture, c’est qu’il y a une raison. Car en effet, les Îles Lofoten tiennent leur promesse. J’y ai trouvé un doux mélange de Bretagne Nord, du Golfe du Morbihan, des Alpes, des Marquises et de la Patagonie, auxquelles il faut ajouter les rorbus, ces petites maisons rouges en bois les pieds dans l’eau, à l’architecture si typique de la Norvège.

Sous le soleil, la couleur de l’eau peut parfois concurrencer les mers tropicales et certaines plages sont paradisiaques. Mais j’avoue ne pas avoir tenté de me baigner, même si certains touristes s’aventurent dans l’eau m’ont laissé penser que l’eau n’était sûrement pas si froide que cela. J’ai hésité à aller plonger, mais après près de 6 ans en Nouvelle-Calédonie, je suis « tropicalisée » et j’avoue ne pas avoir eu le courage d’affronter l’Océan Arctique.

Plage à Leknes

Les montagnes dont les sommets sont parfois encore enneigés et qui se jettent à pic dans la mer sont également vraiment impressionnantes, et lorsque le temps peine à se dégager et que les sommets sont avalés par les nuages, ça donne une ambiance vraiment particulière et c’est aussi très joli selon moi. Cependant il ne faut pas que ca dure car, très prosaïquement, au-delà de 3 jours de grisaille d’affilé je n’ai plus d’autonomie électrique car mon chargeur solaire ne fonctionne pas, et ça m’impose de m’arrêter dans un camping pour refaire le plein de mes batteries externes alors que je préfère vraiment les bivouacs.

Ambiance nuageuse à Laupstad

J’ai décidé de m’arrêter deux jours à Moskenes, dans le sud pour explorer cette région, la plus touristique des Lofoten et notamment faire la randonnée Reinebringen. Il s’agit en réalité d’un escalier construit en 2019 par des sherpas népalais car le sentier, certainement le plus foulé de l’archipel, devait être devenu trop dangereux. 1600 marches à monter pour atteindre 450 mètres d’altitude en partant du niveau de la mer. Je pensais qu’avec mon activité physique ces dernières semaines j’étais prête à affronter ce type de défi… j’ai mis deux jours à m’en remettre, découvrant que les muscles qui servent à monter des escaliers ne sont pas du tout les mêmes que ceux qui servent à pédaler ! Le lendemain, la météo et mes courbatures ont fini de me convaincre, plutôt que de refaire la route que j’avais déjà empruntée pour gagner Å, la commune la plus au sud de l’archipel, et considérant qu’il n’y avait pas d’autre route possible, j’ai fait 65 km de bus jusqu’à Leknes, ce qui me laissait 25 petits kilomètres à rouler pour rejoindre mon spot pour la nuit.

Village de pêcheurs de Moskenes

Au cours de mes journées… ou nuits, j’ai aussi eu l’occasion de découvrir la faune des îles Lofoten. Car la région a beau être touristique, on y trouve de nombreux animaux sauvages. C’est ainsi qu’au beau milieu de la nuit, alors que j’avais planté ma tente dans une prairie que m’avait indiqué un pêcheur, au milieu du village de Flesne, j’ai été réveillée par un fort grognement. Il convient de rappeler qu’à la fin du mois de juin il fait jour toute la nuit à cette latitude. Le bruit ne ressemblant à rien que je puisse identifier, je n’ai écouté que mon courage – en vérité je n’ai pas réfléchi une seconde, j’étais juste curieuse et pas du tout inquiète – et j’ai ouvert ma tente pour voir qui s’en prenait à moi à 3 heure et demi du matin. J’ai alors découvert un troupeau de rennes venus profiter de l’herbe verte et grasse de la prairie dans laquelle j’avais pris mes quartiers pour la nuit. Le temps d’attraper mon portable puis mes lunettes pour vérifier que je cadrais correctement la scène, les animaux, probablement aussi stupéfaits que moi, ont choisi de rejoindre la montagne à la sortie du village, me laissant un souvenir mémorable.

Le troupeau de rennes venu me réveiller au milieu de la nuit

Quelques jours plus tard, voyant un « attroupement » de touristes sur le nord de la route à un endroit qui ne semblait comporter aucun intérêt particulier, je me suis arrêtée pour comprendre ce qui se passait et ai eu l’occasion d’observer un énorme élan en train de brouter au fond d’un terrain. Celui-ci, pas farouche, observait de loin les touristes sans manifestement s’émouvoir le moins du monde.  

Un élan pas trop farouche !

Plus furtivement, j’ai aussi pu observer un vison d’Amérique (que j’ai d’abord pris pour une marmotte !), une orque, des aigles de mer, et de nombreux oiseaux que je suis bien en peine d’identifier.  

Une petite pause croisière qui change du quotidien de la cyclo-voyageuse

Avant de quitter les Lofoten pour rejoindre de nouveau les Vesteralen au nord, j’ai voulu faire une pause. Je m’étais un peu renseignée sur les activités touristiques, avais renoncé à la plongée ou à la pêche, mais j’avais bien envie d’aller faire un tour sur l’eau pour avoir un autre point de vue sur les fjords. J’ai donc décidé de prendre l’Hurtigruten, un bateau de croisière dit « express côtier » qui parcourt la Norvège du sud au nord et du nord au sud. S’il est possible d’y faire des croisières de plusieurs jours, il est aussi possible de prendre le bateau de port en port pour une somme très raisonnable car il n’est pas nécessaire de réserver une cabine pour un trajet de moins de 24h. Après un bateau annulé pour cause de souci technique qui m’a obligée à revoir mes plans, puis un bateau complet au moment où j’ai voulu refaire une réservation, j’ai fini par réserver sur le Havila, autre compagnie proposant des prestations équivalentes. J’ai donc embarqué depuis le petit port de Risoyhamn en direction de Svolvaer pour une croisière de 7h. J’ai eu énormément de chance car à peine une demi-heure après l’embarquement le brouillard s’est levé laissant place à une magnifique journée ensoleillée.

J’ai passé l’essentiel de ma journée sur le pont à admirer les paysages
Le Trollfjord en contrejour

La journée est passée à une vitesse incroyable. Sur cet itinéraire, le bateau passe par des fjords qui, pour la plupart, ne sont pas bordés de routes et donc que je n’avais donc pas pu voir. Nous sommes notamment passés dans le fameux Trollfjord, dans lequel je n’ai vu aucun troll, mais qui est réputé pour être le fjord le plus étroit de Norvège. J’ai aussi profité du jacuzzi, savourant ce moment si différent de mon quotidien !

Ca change de la journée habituelle d’une cycle-voyageuse !

J’ai finalement débarqué à 18h30 à Svolvaer pour reprendre un bateau dans le sens inverse à 21h30, le temps de dîner et faire un petit tour sur le port. J’espérais profiter du soleil de minuit au retour, mon bateau me déposant à 4h30 dans mon port de départ, mais le brouillard était tellement épais qu’on ne voyait pas à deux mètres. Je me suis donc trouvé un canapé pour dormir avant de reprendre la route au petit matin.

Port de Svolvaer

Deux derniers jours sportifs avant une pause à Tromsø

Après avoir débarqué du bateau, je me suis préparée un copieux petit-déjeuner avant de prendre la route vers Andenes. À 5h30, personne sur les routes sauf des lapins et des moutons. Quel bonheur, je me serais levée tôt plus souvent si j’avais su. Mais la journée a été longue et difficile. Après une pause d’1h45 dans un ferry entre Andenes et Gryllefjord, j’ai repris la route. Je pensais initialement ne rouler que quelques kilomètres après Gryllefjord, mais j’ai repéré sur mon application GPS une montée qui s’annonçait bien difficile et que je ne voulais pas faire au petit matin avant d’avoir eu le temps de m’échauffer les jambes. J’ai donc décidé de poursuivre ma route. Il s’agissait en fait d’une montée à 8% sur 4km qui, en fin de journée, alors que j’avais déjà roulé plus de 90km et dormi moins de 5h, a été l’une des plus difficiles que j’ai eu à affronter. Je n’ai pas manqué de me remettre en question bien évidemment : mais comment je ferai quand ce sera pire, avec des pourcentages à 2 chiffres ? Il n’empêche que je suis arrivée en haut, c’est ce qui compte, peu importe le nombre de pauses qu’il m’a fallu faire pour y parvenir. Et la vue sur le Fjord à l’arrivée était magnifique.

Ça s’annonce difficile !
Et c’était difficile !
Mais ça valait la peine

Ayant finalement parcouru plus de 100km la veille et considérant la météo annoncée pour les jours suivants, j’ai décidé de rejoindre Tromsø dès le lendemain. Mais, après une matinée bien vallonnée et bien sportive de nouveau, il m’a fallu affronter l’après-midi un vent de face à 50km avec des rafales qui devaient flirter avec les 80km. J’ai terminé en roulant dans la ville à moins de 10 km/h alors même que c’était plat. J’ai cru que je n’arriverai jamais dans mon auberge, située bien évidemment en haut de la colline ! J’ai largement mérité mes deux jours de repos !

Le soleil de minuit

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