De Arusha à Kasumulu : voyage à vélo dans une Tanzanie pleine de surprises

Mes trois dernières semaines en Tanzanie ont été pleines de péripéties. J’ai traversé une zone assez peu touristique, me dirigeant plein sud pendant 1267 km pour rejoindre la frontière malawite. Je n’avais pas d’attentes particulières concernant cet itinéraire, mais il m’a réservé de nombreuses surprises : des rencontres animales et humaines, des déboires sur des pistes difficiles, des recherches de pièces de vélo compliquées, mais jamais d’ennui !

1267 km d’Arusha à Kasumulu

Arusha – Dodoma : une route sans grand intérêt mais de belles surprises

En quittant Arusha après mes quatre jours de safari, j’ai pris la direction du sud, vers le Malawi, sans autre objectif que de rouler tranquillement pour découvrir cette partie moins visitée du pays. L’occasion donc de sortir de nouveau des sentiers battus après mon expérience difficile sur piste. Cependant, je n’avais pas l’intention immédiate de me lancer à nouveau sur des routes cahoteuses. J’ai donc emprunté la route principale en direction de Dodoma.

Marché de vêtements de seconde main : on m’a proposé un jean mais j’ai décliné !

Il m’a fallu cinq longues journées à vélo pour parcourir cette grande route et atteindre la capitale administrative du pays, Dodoma. Malgré le fait que ce soit un axe important pour traverser le pays, le trafic y était assez modéré. Et bien qu’il soit majoritairement composé de gros camions, une bande d’arrêt d’urgence assez large permettait de rouler de manière assez sereine.

Marché aux bestiaux

En chemin, j’ai eu de nouveau l’occasion de m’arrêter dans un village un jour de grand marché. D’un côté du village, les femmes vendaient des vêtements de seconde main, probablement en provenance de contrées occidentales, étalés sur des bâches à même le sol. De l’autre côté du village, les hommes vendaient leurs bêtes. Les hommes massaïs parés de leurs étoffes traditionnelles et les femmes avec leurs bijoux impressionnants sont magnifiques. Malheureusement ils refusent le plus souvent d’être pris en photos. En route, j’ai aussi pu observer les villages traditionnels de cette même communauté nomade.

Habitat traditionnel massaÎ

Le même jour, alors que je cherchais une guest house, je me suis enfoncée dans la campagne vers la « guest house de l’hôpital » que j’avais repérée sur ma carte. Il était tard et il faisait déjà nuit lorsque je suis arrivée. Trois jeunes gens m’ont alors indiqué que l’hébergement était réservé aux étudiants en médecine qui travaillaient dans l’hôpital. Me voyant déchanter car je n’avais pas d’autre solution, ils m’ont tout de même accueillie au sein de leurs locaux. Une jeune femme a préparé sa chambre et m’a proposé d’y installer mes affaires. J’en ai conclu qu’elle me cédait sa chambre pour la nuit, c’était vraiment très généreux. Nous avons passé une soirée très conviviale rythmée par de nombreux selfies. Alors que j’étais allée me coucher depuis une quinzaine de minutes, je l’ai vu venir se glisser sous la moustiquaire et se coucher « tête-bêche » à côté de moi. Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là, craignant de lui envoyer mon pied dans la figure !

Soirée improvisée avec des étudiants en médecine

C’est aussi sur cette même route, le lendemain, qu’alors que j’envisageais de m’arrêter dans un village pour déjeuner, j’ai entendu de la musique et des « youyous » chantés derrière une bâche à côté d’une maison. Curieuse, j’ai eu envie d’aller voir et, alors que je revenais sur mes pas pour voir comment m’y prendre, une dame m’a fait signe de m’approcher. Il y avait une dizaine de femmes de tous âges, très joyeuses qui dansaient et chantaient en m’entraînant avec elles. Au bout de quelque temps, l’une d’elle m’a emmenée derrière la maison pour me servir du riz et des haricots rouges, le plat le plus courant de Tanzanie. Puis d’autres femmes sont venues se joindre au repas. Comme aucune de ces femmes ne parlait anglais, je n’ai pas compris sur le moment ce qu’elles fêtaient, mais le lendemain, on m’a expliqué qu’il s’agissait du mariage de l’une d’entre elles.

Danses et chants pour célébrer la nouvelle mariée

À mi-chemin sur la route de Dodoma, je me suis arrêtée dans la région de Kondoa pour découvrir des peintures rupestres vieilles de plus de 6000 ans. Même si une bonne partie a été partiellement ou totalement effacée par l’érosion due à la pluie, certaines ont été bien conservées et on peut discerner très clairement des hommes et des femmes, ainsi que des animaux tels que des éléphants, des girafes ou encore des antilopes.

Peintures rupestres de Kondoa

Progressivement, les paysages évoluent au fur et à mesure que j’avale les kilomètres. Alors que c’était très vert dans la région d’Arusha, ça devient de plus en plus sec pour s’apparenter à de la savane avec des baobabs qui font leur apparition. Je croise parfois des babouins. Je suis toujours partagée entre l’excitation et la frousse face à ces singes imposants, dont on m’a expliqué qu’ils avaient peur des hommes mais pas des femmes ni des enfants !

Transport de poulets à vendre

Dodoma, à la recherche de pneus de rechange

Un soir, alors que j’inspectais mon vélo comme je le fais régulièrement, je me suis rendue compte que mes pneus, qui ont désormais plus de 11 000 km, étaient fendus au niveau de la tringle. Je m’en voulais d’avoir écouté le vendeur du magasin de vélo à Budapest qui, alors que je lui en demandais des neufs, m’avait dissuadé de les changer au motif qu’ils étaient encore en bon état. Je savais qu’il ne serait pas aisé de retrouver la même marque de pneus en Afrique. Les fameux « Schwalbe marathon » sont bien connus de tous les voyageurs à vélo car ils sont quasiment increvables. De fait, je n’ai pas eu une seule crevaison depuis le début de mon voyage.

Arrivée à Dodoma, je me suis donc rendue dans le seul magasin de vélo susceptible de répondre à mon besoin. Mais quand je leur ai annoncé la taille de mes roues, 27,5 pouces, j’ai compris que ça allait être compliqué. Je me suis alors remémoré mon échange avec mon vélociste : il m’avait recommandé de choisir des roues de 27,5, sauf si je souhaitais me rendre en Afrique où c’était presque introuvable. À l’époque, je n’envisageais pas du tout d’aller rouler sur le continent africain ! Je m’en voulais encore plus de ne pas avoir changé mes pneus avant de quitter Budapest.

Me voila désormais chargée d’un pneu de secours

J’ai un peu déchanté, mais le personnel s’est mis en quatre pour me trouver une solution et, après avoir inspecté un à un tous leurs vélos d’occasion, ils en ont trouvé un qui avait des pneus de cette même taille, mais beaucoup plus larges car il s’agissait d’un VTT. On s’est donc mis d’accord pour inverser mon pneu arrière, qui supporte le plus de poids, avec mon pneu avant moins usé. Et en retirant les pneus, je me suis rendue compte que la fente n’apparaissait qu’à l’extérieur du pneu tandis que l’intérieur était comme neuf. Ça m’a rassurée, je pouvais encore probablement rouler plusieurs centaines de kilomètres sans problème. J’ai tout de même acheté ce pneu de VTT pour en avoir un de secours le temps de trouver une solution.

De Dodoma à Mbeya, j’ai expérimenté de nouveau les pistes tanzaniennes

Depuis Dodoma, j’ai hésité longuement entre deux routes : la première option, la plus courte, était de continuer sur la route principale, mais je craignais que le trafic ne s’intensifie et que ce ne soit pas très agréable. La seconde option était 70 km plus longue et comportait plus de 400 km de pistes, mais une bonne partie longeait une réserve animalière, me laissant penser que je pourrai voir de la faune sauvage. J’ai choisi cette seconde option, mais si c’était à refaire, je prendrais la première !

Au début ça s’annonçait bien, j’étais contente !

La piste était supposée être une « main gravel road », donc une « piste principale ». Je m’attendais à une piste entretenue et relativement stabilisée. Mais il n’en était rien, j’ai alterné durant 5 jours entre la piste défoncée par les tractopelles pour cause de travaux, la piste en forme de tôle ondulée, des passages de sable ou de terre qui venait d’être déversée mais non tassée imposant de pousser le vélo, de la boue créée par une pluie torrentielle et de la piste hyper caillouteuse. Cela m’imposait de rouler la tête dans le guidon pour anticiper les trous, pierres ou bancs de sable, m’empêchant du même coup de scruter au loin à la recherche d’animaux. Et même si je roulais parfois 30 km sans croiser personne entre deux villages, je n’ai eu l’occasion de voir qu’un seul babouin en 5 jours. En revanche, les mouches tsé-tsé, elles, s’en sont données à cœur joie !

Petite sélection du revêtement durant mes 5 jours de piste

Encore plus qu’ailleurs, les enfants s’amusaient à mon passage, en criant « Mzungu ! Mzungu ! » tandis que je traversais les villages en saluant de la main, me prenant parfois pour un éminent membre de la famille royale britannique !

Et les enfants me courent après faisant parfois preuve d’une endurance incroyable !

J’ai aussi pu constater que les « Mzungu », c’est-à-dire occidentaux à la peau blanche, ne devaient pas être très nombreux à passer par cette route. Un soir, alors que je cherchais la guest house, une petite fille qui devait avoir environ 3 ans s’est mise à hurler en me voyant. Je l’ai terrorisée avec ma peau blanche, mon casque et mes lunettes de vélo. Je me suis sentie vraiment mal et suis restée à distance le temps que des enfants plus grands s’occupent d’elle, mais ils ont eu du mal à la rassurer. Son père, qui s’avère être le gérant de la guest house que je cherchais, m’a confirmé qu’elle n’avait jamais vu de « Mzungu » auparavant.

À Mbeya : la recherche de pièces détachées m’a amenée à faire une belle rencontre

Arrivée à Mbeya, je me suis mise en recherche de câbles et plaquettes de freins pour affronter en toute sécurité les descentes qui m’attendaient pour rejoindre la frontière avec le Malawi. Google ne m’étant pas d’un grand secours, je me promenais dans la ville à la recherche de magasins de vélo qui disposeraient de ce type de pièces détachées. Alors qu’un cycliste arrivant derrière moi me saluait, je me suis retournée et ai constaté, étonnée, que celui-ci était équipé comme un « bobo parisien ». Depuis que je roule en Tanzanie, j’ai croisé beaucoup de cyclistes, mais pas un seul avec un casque, et encore moins avec des lunettes de vélo dernier cri ! J’en ai donc profité pour lui demander conseil. Davis n’a malheureusement pas pu m’aider, car après investigation, nous nous sommes rendus à l’évidence : aucun vendeur ne disposait de ce type de pièces à Mbeya. Il faudra que j’apprenne à m’adapter à mon nouvel environnement et à anticiper un peu mieux mes besoins à l’avenir. Mais comme rien n’est impossible en Afrique, il m’a donné la bonne idée de m’adresser au magasin de vélo de Dodoma, et ce dernier a pu m’expédier tout ce dont j’avais besoin par bus en 24h.

Cela nous a donné l’occasion de faire connaissance et nous avons pris rendez-vous pour boire un verre le lendemain. Davis m’a alors expliqué qu’il rêvait de faire un jour un voyage à vélo jusqu’à Cape Town. C’est ainsi que nous avons finalement décidé, deux jours plus tard, de partager la route jusqu’à la frontière du Malawi.

Mes 3 derniers jours en Tanzanie en compagnie de Davis

C’est toujours quand c’est valonnéque les paysages sont les plus beaux.

La sortie de la ville de Mbeya était particulièrement pénible en raison du trafic composé essentiellement de tricycles et de camions qui ne sont soumis à aucun contrôle technique et qui polluent énormément. En me faufilant à travers les différents véhicules, alors que j’étais à l’arrêt, je me suis retrouvée prise en sandwich entre deux véhicules, mes sacoches bloquées par une voiture qui continuait à avancer sans comprendre que je ne pouvais plus bouger. J’ai eu assez peur, j’essayais de faire des signe au chauffeur mais il ne comprenait rien. Heureusement, des piétons sont allés le voir et lui ont demander sans ménagement de reculer. Plus de peur que de mal, rien de cassé, même dans mes sacoches. J’ai continué ma route en roulant avec plus de précaution, jusqu’à la sortie de la ville, ce qui nous a pris plus d’une heure.

Singe vervet jouant à cache cache

Je m’attendais à 2 journées faciles, puisqu’il n’y avait que 1000 mètres de dénivelé positif pour 2 000 mètres de dénivelé négatif. Mais c’était sans compter que presque tout le dénivelé positif était concentré sur la première demi-journée de vélo ! s’en est suivi du vent de face, et me voila lessivée, à pousser mon vélo sur le dernier kilomètre pour rejoindre notre hôtel, cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé !

Nous avons néanmoins décidé de prolonger cet itinéraire en faisant un détour par la petite ville de Matema, au bord du lac Nyasa, aussi appelé Lac Malawi de l’autre côté de la frontière. L’occasion pour moi de découvrir cet immense lac dont les rives ressemblent à s’y méprendre à un bord de mer : plage de sable, palmiers, vagues… mais quand on s’y baigne, surprise, l’eau est douce !

Matema, Au bord du lac Nyasa, on se croirait vraiment au bord de la mer

Ces trois jours de vélo avec Davis ont été très sympas. D’abord parce que cela faisait bien longtemps que je n’avais pas partagé la route avec un autre cycliste et que ça rythme les journées différemment, on peut discuter, faire des pauses plus longues. Mais aussi parce que Davis étant tanzanien, j’en ai profité pour découvrir énormément de choses à ses côtés, juste avant de quitter ce pays que je parcourais depuis presque deux mois.

Quelques centaines de mètres plus loin, le canapé tombait sur la route et on aidait le motard à le remettre en place !

Davis m’a laissée à la frontière après la traditionnelle photo. Ces trois jours à mes côtés lui auront permis de me questionner beaucoup sur le voyage à vélo. Il a aussi pu constater avec amusement la réaction des enfants criant « Mzungu » toute la journée à mon passage. Mais Davis n’y a pas échappé, avec sa tenue de cycliste, il s’est fait appeler « African mzungu », ce qui nous a bien fait rire !

Avec Davis à la frontière entre la Tanzanie et le Malawi

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