=> Suède, du 21 mai au 10 juin 2023
Après de nombreuses hésitations et changements d’avis jusqu’au moment de quitter Oslo, ne sachant si je devais affronter les montagnes norvégiennes pour admirer les fjords, ou me résoudre à faire un détour par la côte suédoise, pour n’affronter que ses « collines », j’ai fini par opter pour l’option raisonnable : prendre la direction du nord-est depuis Oslo pour rejoindre la côte de la Mer Baltique, remonter celle-ci vers le nord, puis bifurquer de nouveau, d’est en ouest cette fois, pour atteindre les Iles Lofoten.
Une entrée en matière plus sportive que je ne le pensais
J’ai donc quitté Oslo en fin de matinée après avoir programmé mon itinéraire du jour, non sans ajouter un petit crochet plein nord, pour sortir de la ville le long d’une rivière dont les cascades étaient annoncées comme valant le détour. Erreur ! Le guide touristique recommandant cette promenade cyclable l’a certainement faite avec un vélo à assistance électrique et sans sacoches évidemment ! Cet itinéraire, plein de charme en effet, est cependant une succession de petites côtes bien raides, ce qui est logique, il est vrai, puisque c’est une succession de petits rapides et cascades. Mais à froid et après trois jours de pause, j’ai été souvent obligée de pousser mon vélo et parfois la pente était tellement forte que même pousser le vélo était une épreuve ! J’ai fini par abdiquer et prendre un itinéraire moins ardu pour sortir de la ville.
De là, je me suis assez vite retrouvée à rouler sur des petites routes au milieu des pins et j’ai pu admirer les premiers lacs qui ont fait leur apparition.
Cette première journée a été difficile car, au lieu des 60 km de distance et des 700 mètres de dénivelé positif annoncés par mon GPS, j’ai roulé 70 km et monté plus de 1100 mètres au total, ce à quoi je n’étais pas tout à fait préparée, ni mentalement, ni physiquement. Depuis Paris jusqu’au Danemark, je n’avais encore jamais fait plus de 500 mètres de dénivelé positif dans la journée. Cela fait donc une grosse différence.
Mais cette première journée m’a aussi permis, au détour de mes premiers lacets dans lesquels je poussais laborieusement mon vélo, de me trouver nez à nez avec deux femelles élans. J’ai d’abord cru voir des biches, mais de la taille d’un grand cheval, il s’agissait bien d’élans ! Manifestement aussi étonnées que moi, elles ont pris quelques secondes pour m’observer avant de filer dans les bois, sans que je puisse dégainer mon appareil photo, malheureusement.
Quelques minutes après, une fois le col atteint, je bifurquais dans un petit sentier, pour trouver mon premier spot de bivouac, au bord d’un lac, épuisée mais fière de cette première journée dont le rythme avait été bien différent de ce que j’avais connu depuis le début de mo voyage, et qui, je m’en doutais, en annoncerait d’autres.
Le lendemain, j’ai traversé la frontière entre la Norvège et la Suède en haut d’un col. La petite piste qui relie les deux pays est déserte et graveleuse. Après avoir donné tout ce que je pouvais pour la gravir, j’ai été obligée de freiner toute la descente pour redescendre en sécurité sans déraper, ce qui est très frustrant ! Je savais cependant qu’un lac m’attendais en bas de la descente, au bord duquel je pourrai poser ma tente et je m’en réjouissais d’avance.
En Suède comme en Norvège, il y a un droit d’accès à la nature qui autorise chacun à bivouaquer où il le souhaite, à distance raisonnable des habitations, et en respectant la règle du « leave no trace », c’est-à-dire ne laisser aucune trace de son passage. Cela facilite grandement les choses.
Les jours suivants se sont succédés selon le même rythme. J’ai pris de l’assurance dans la préparation de mes itinéraires, j’anticipais pour terminer ma journée par une côte évitant ainsi de la monter au petit matin avant d’avoir eu le temps de m’échauffer. J’ai commencé à me créer une petite routine consistant à m’approvisionner en eau en fin de journée avant de rechercher mon lieu de bivouac, toujours plus beau jour après jour, pour la plupart au bord des lacs.
J’ai ainsi parcouru chaque jour entre 75 et 95 km, montant de 900 à 1200 mètres de dénivelé. J’ai fini par comprendre, que les prévisions de dénivelé annoncées par mon GPS ne sont pas fiables. J’avais tous les jours au moins 300 mètres de dénivelé positif de plus qu’annoncé initialement quand ce n’était pas 500. J’ai décidé d’essayer de ne plus focaliser sur cette question puisque l’éditeur de l’application Komoot, que j’utilise pour me guider, m’a confirmé que leurs données sont approximatives. Pour autant, je ne souhaitais pas ralentir le rythme car la distance pour rejoindre la Mer Baltique est longue et il me fallait avancer.
Le 4ème jour, j’ai décidé de dormir dans un camping, me réjouissant d’avance de la douche chaude qui m’attendait. Malheureusement en arrivant sur place, je me suis aperçue que celui-ci était fermé. Après une très longue journée pour atteindre ce camping, je n’envisageais pas une seconde de ressortir de la ville pour me chercher un spot de bivouac. N’ayant pas suffisamment d’eau pour cuisiner et me laver, j’ai décidé d’aller frapper à la porte de la maison d’à côté pour en solliciter et en profiter pour leur demander si, selon eux, je pouvais tout de même planter ma tente sur le terrain de camping. Ces derniers m’ont alors proposé de planter ma tente dans leur jardin, craignant la réaction de leurs voisins si je retournais au camping. J’ai espéré un court instant qu’ils me proposent une douche chaude, mais je n’ai eu droit qu’à de l’eau, et un café le lendemain matin.
Le lendemain, après 5 longues journées à pédaler et 5 nuits sous la tente, je me suis offert une nuit à l’hôtel dans la première ville qui se trouvait enfin sur ma route depuis Oslo. J’avais repéré cet hôtel sur internet mais ne l’avais pas réservé à l’avance, préférant m’assurer que je pourrai garer mon vélo en sécurité. Le gérant, impressionné par mon projet, m’a non seulement fait une belle ristourne, mais il m’a aussi proposé de rentrer dans ma chambre avec Yolo. C’est idéal, d’abord parce qu’il est en sécurité, mais aussi parce que je n’ai pas à m’embêter à faire les multiples aller-retours avec mes sacoches ! La nuit fut bonne, mais trop courte car j’ai profité de la ville pour faire quelques courses, puis de la chambre pour faire tout ce que je ne peux – ou n’ai pas le courage – habituellement de gérer : prendre soin de moi, de mon linge, de mon matériel, de mes mails et autres formalités administratives…
De beaux paysages mais qui finissent par être monotones
Après cette halte confortable, j’ai repris ma route, toujours dans la même direction, voyant peu à peu la distance me séparant de la Mer Baltique se rétrécir. J’alternais entre les routes asphaltées, pour la plupart bonnes et avec très peu de voitures, et les pistes graveleuses parfois très agréables, mais parfois de très mauvaise qualité sur lesquelles je n’ai d’autre option que de descendre du vélo et de pousser.
Je me suis souvent désolée de voir des pans entiers de forêt qui ont été abattus. J’imagine que la Suède a une gestion raisonnée de ses forêts, pour autant cela ravage le paysage, d’autant que les terrains exploités ne sont pas nettoyés, ils restent en friche avec tous les déchets de bois non exploitables, ce qui est vraiment moche.
A mesure que je progresse vers le nord, les journées s’allongent et la nuit se réduit à une poignée d’heures, tandis que la température diminue. Je me résous à remettre mes jambières et mon pull pour rouler, même s’il fait beau, ce qui reste très agréable. La douceur n’aura été que de courte durée, j’espère avoir droit à l’été indien lorsque je descendrai vers les pays baltes.
Après 8 jours de vélo depuis Oslo, je commençais à avoir hâte de rejoindre la côte et de voir la mer. Je n’avais pas calculé au départ le nombre de jours que cela me prendrait et j’avais mal évalué la distance. Les paysages ont beau être magnifiques, ils finissent par être monotones. Tous les jours se succèdent les montées et les descentes à travers la forêt de pins, quelques maisons rouges typiques au bord des innombrables lacs. Je ne traversais qu’une à deux fois par jour de petits villages dans lesquels, quand j’avais de la chance, je pouvais faire quelques courses. Je pouvais rouler des kilomètres sans croiser une seule voiture dès que je quittais les axes principaux.
4 jours après ma pause à l’hôtel, j’ai de nouveau voulu tenter ma chance dans un camping pour notamment y prendre une douche chaude. Mais en arrivant sur place en fin de journée, personne n’était présent à la réception ni ne répondait au téléphone. Un peu dépitée, j’ai fait le plein d’eau et me suis mise à la recherche d’un spot de bivouac, sans succès. Je savais qu’il y avait un autre camping 10 km plus loin. Mais 10 km supplémentaires en fin de journée, ça n’est pas négligeable, d’autant que je n’avais pas fait de journée de pause depuis Oslo et je commençais à fatiguer. J’ai donc peiné à parcourir ces 10 derniers kilomètres, face au vent, mais j’ai été largement récompensée par un accueil chaleureux, un camping agréable, et surtout un sauna dans lequel je me suis dégourdie longuement !
Un accueil Warmshower des plus chaleureux pour une pause bienvenue
Après 10 jours de vélo sans pause, j’ai été très chaleureusement accueilli par Lars et Lucie via le site Warmshower dans la petite ville de Sundsvall. J’ai passé deux nuits sur place, ce qui m’a permis de me reposer et de parcourir la petite « cité de pierre » qui se targue d’avoir des « monuments à la française ». Lars et Lucie sont presque les seuls hôtes référencés sur la côte suédoise et reçoivent donc beaucoup de demandes auxquelles ils tentent de répondre positivement presque chaque fois. C’est ainsi que j’ai également pu rencontrer trois autres cyclistes en route vers le Cap Nord, faute d’en croiser sur la route !
Cette pause a été salutaire et j’ai pu constater qu’alors que je peinais à rouler 60 km par jour avant d’arriver à Sundsvall, j’ai largement augmenté ma moyenne quotidienne après m’être reposée. J’en ai profité aussi pour préparer la suite de mon itinéraire, prendre la mesure des distances qu’ils me faudrait encore parcourir à travers les forêts suédoises, et finalement décider de finir mon parcours en Suède en transports en commun. En effet, même après avoir atteint la côte de la Mer Baltique, les paysages n’ont pas fondamentalement changé et ne m’ont pas subjugué. Je ne voyais donc pas d’intérêt à continuer à rouler à travers des paysages monotones durant 6 ou 8 jours pour parvenir à rejoindre les fjords norvégiens que j’attendais avec impatience.
De toute manière, j’ai déjà « triché ». Alors que je roulais avec le vent de face sur la voie rapide faute de pouvoir la contourner, une camionnette s’est arrêtée et m’a proposé de me déposer un peu plus loin. En effet, en Suède, certaines voies rapides n’ont qu’une voie dans chaque sens, séparées par une barrière ne laissant pas la possibilité aux voitures et aux camions de s’écarter pour doubler les cyclistes qui, eux, doivent rouler sur une bande d’à peine une quarantaine de centimètres de large sur le côté droit de la route, bordé lui aussi d’une garde fou. J’ai donc accepté sans hésitation de monter dans le food truck pour parcourir les 6 km sur cette voie dangereuse, « trichant » pour la première fois depuis mon départ – mais pas la dernière !
Une pause forcée à Umeå
Quatre jours après avoir quitté Sundsvall, j’ai rejoint la petite ville d’Hornefors en périphérie d’Umeå où j’ai trouvé une auberge sympathique. J’attendais des nouvelles du colis que j’avais commandé et fait expédier chez une amie d’une cycliste rencontrée à Amsterdam. Toujours des questions d’ajustement d’équipement… Je pense désormais que ça va me poursuivre tout mon voyage !
Je me suis posée 3 jours sur place dans un cadre verdoyant très agréable, puis ai été accueillie, de nouveau 3 jours, par Romana au cœur de la petite ville universitaire d’Umeå, car mon colis s’est fait attendre. Après deux mois de voyage et plus de 3 000 kilomètres parcourus, cette pause « forcée » à Umeå s’est avérée très agréable.
S’il faisait très beau lors de mon arrivée, apparemment le printemps s’est fait longuement attendre. Il neigeait encore la semaine précédente, et trois semaines auparavant Romana faisait encore du ski dans la forêt à 10 minutes de chez elle. D’ailleurs, sur la route entre Hornefors et Umeå, j’ai pu assister au « lâcher de vaches », une petite cérémonie qui se déroule tous les ans au printemps, qui consiste à libérer les vaches pour qu’elles rejoignent les champs après l’hiver. On était le 6 juin. Les vaches avaient l’air toutes excitées. Il faut dire qu’elles ne doivent pas profiter du plein air très longtemps.
J’ai aussi vu à quel point les suédois du nord profitent du moindre rayon de soleil pour s’exposer, sur les bords de la rivière, dans les parcs, ou dans leurs jardins. Et le soir, ils se réunissent dans les pubs pour faire des quizz musicaux. Ça semble être une activité réellement importante à Umeå. Lors d’une soirée avec deux amies de Romana j’ai d’ailleurs pu constater à quel point l’activité était prise au sérieux, et à peine le quizz terminé, le pub s’est vidé. Original.
Je peine à imaginer comment vivent les habitants de ces régions dans la nuit et le froid durant une si longue période de l’année. Car même si Umeå n’est pas au nord du cercle polaire, les nuits y sont blanches l’été, c’est-à-dire que même si le soleil se couche puis se lève, la durée n’est pas assez longue pour qu’il fasse nuit. Ce qui signifie que c’est l’inverse l’hiver : même si le soleil fait son apparition quelques heures en milieu de journée, il est tellement bas qu’il ne fait pas vraiment jour.
J’ai aussi profité de ces quelques jours à Umeå pour effectuer laborieusement des recherches en vue de savoir dans quel bus ou dans quel train j’avais le droit de monter avec mon vélo. J’ai d’abord voulu me rendre à la gare, mais j’ai découvert avec étonnement qu’il n’y a aucun personnel dans les gares ferroviaires, ni dans les gares routières. Tout se fait en ligne, que ce soit pour obtenir des informations ou acheter des billets. Il en est de même pour la distribution du courrier : pas de distribution au domicile, mais uniquement dans les boîtes postales dédiées dans les supermarchés. Je ne suis pas sûre que la privatisation des services publics ait du bon…
Au Nord du cercle polaire : de Kiruna à Narvik
J’ai finalement compris que si je ne pouvais pas monter avec mon vélo dans un train longue distance, sauf à le démonter, je pouvais prendre des trains locaux. J’ai donc pris deux trains régionaux pour parcourir les 600 kilomètres qui me séparaient de Kiruna, une ville minière de 18 000 habitants, quelque 150 kilomètres au Nord du cercle polaire. C’est la plus grande mine de fer au monde. L’activité minière y est si importante, qu’ils ont décidé de déplacer progressivement la partie ouest de la ville, donc détruire les bâtiments pour les reconstruire plus loin, afin de continuer à prospecter et exploiter les sous-sols sans risque de voir la ville s’effondrer !
Au-delà de cette activité minière, en hiver c’est un endroit stratégique pour y observer les aurores boréales, mais en été il n’y a rien d’intéressant à y faire. Je n’ai donc pas traîné sur place. Je pensais initialement continuer mon trajet grace à un troisième train vers Narvik, en Norvège, mais ce dernier n’accepte pas les vélos. J’ai donc repris la route en direction de la ville norvégienne. D’abord déçue de ne pouvoir monter dans ce train réputé pour être un des plus beaux parcours ferroviaires de Norvège, j’ai finalement constaté que les trois quarts du trajet par la route longent la ligne de train et j’ai été bien contente de parcourir ces 170 kilomètres à vélo. Les paysages avaient changé du tout au tout par rapport à ce que j’avais pu voir depuis le début de mon voyage en Suède, et étaient en effet magnifiques. La Taïga a laissé la place à la Toundra, l’horizon est bien plus dégagé. Les montagnes sont enneigées, les bords des lacs sont encore gelés, c’est splendide.
A la fin de ma première journée, arrivée à Abisko, j’ai cherché un coin de bivouac, mais la ville se trouve dans une réserve et chaque fois que je pensais trouver un endroit adéquat, il était indiqué comme interdit au camping car c’était une réserve naturelle. J’ai donc continué à rouler à la sortie de la réserve, scrutant désespérément les bords de route à la recherche d’un sentier, d’un recoin, mais aucun endroit ne s’y prêtait. C’est donc après avoir pédalé au total 115 kilomètres dans la journée que je me suis arrêtée sur une aire de camping-car, un peu dépitée. Mais c’était avant de découvrir la cabane qui m’accueillerait confortablement pour dormir au chaud. Un panneau indiquait que c’était juste pour se reposer et qu’on ne pouvait y passer la nuit. Ça tombe bien, on est au nord du cercle polaire, il n’y a pas de nuit, je n’ai fait que m’y reposer !
Le lendemain, j’ai rejoint la ville de Narvik, profitant des paysages toujours aussi exceptionnels, et terminant mon itinéraire en longeant le Fjord de Narvik, probablement pas le plus beau Fjord de Norvège, mais une belle entrée en matière avant de me diriger vers les Îles Lofoten !
Je suis ravie que tu apprécies autant les paysages de Norvège. C’est un pays magnifique qui m’a marquée à vie. Tu montres beaucoup de courage et de punch. Bravo! Gilles et moi avons hâte de te revoir pour que tu nous racontes tes aventures nordiques. Je t’embrasse et pense beaucoup à toi. Danielle Ribardière