=> du 24 août au 6 septembre 2023
Après l’Estonie et la Lettonie, arrive logiquement le troisième des Pays Baltes, la Lituanie. Depuis Riga, j’ai d’abord roulé vers le sud-est, en direction de Vilnius, avec pour objectif de bifurquer ensuite plein ouest pour aller découvrir Kaunas puis l’Isthme de Courlande, itinéraire assez long et tortueux, mais qui me permettrait ensuite de rejoindre Kaliningrad par la côte. Mais les routes lituaniennes et les chauffeurs lituaniens m’ont fait perdre tout plaisir à rouler dans ce pays. Heureusement que celui-ci m’a enchanté par bien d’autres aspects.
Un endroit surprenant, la colline aux croix
Quelques dizaines de kilomètres après avoir traversé la frontière, j’ai atteint un site appelé la Colline aux Croix. Il s’agit en réalité d’une toute petite butte située sur la commune de Šiauliai, sur laquelle les habitants et pèlerins ont posé, au fur et à mesure du temps, des dizaines de milliers de croix de toutes tailles et de toutes sortes. La raison pour laquelle, à l’origine, des croix ont été déposées sur ce site n’est pas connue précisément. On sait, en revanche, qu’à l’époque de l’occupation soviétique cette pratique était devenue interdite mais les populations locales trouvaient le moyen de faire perdurer cette tradition comme une forme d’opposition au pouvoir russe. Depuis, le nombre de croix a crû de manière exponentielle, chaque pèlerin ayant le droit d’en déposer une si sa taille reste modeste.
L’endroit est vraiment étonnant, certaines croix sont d’une taille importante, tandis qu’il y en a des dizaines de milliers qui ne font que quelques centimètres, qui sont accrochées les unes aux autres, ou posées partout où c’est possible. En me promenant sur le site, j’ai trouvé une croix fabriquée grâce à une fourche et des cassettes de vitesses de vélo !
Comment minimiser le temps passé sur les routes lituaniennes
La Lituanie, tout comme la Lettonie et l’Estonie, est un pays très plat, ce qui rend, en théorie, les journées de vélo plus faciles. Mais sur l’itinéraire que j’ai emprunté, j’ai essentiellement roulé sur des routes à travers champs, où rien n’arrête le vent qui peut souffler assez fortement, évidemment toujours dans le mauvais sens.
Par ailleurs, les chauffeurs lituaniens sont les pires auxquels j’ai eu affaire jusqu’à présent. En Finlande déjà, je m’étonnais d’être doublée parfois sans aucune précaution, mais en Lituanie c’était systématique. Même si la voie d’en face était libre, aucune voiture ni aucun camion ne déboitait pour me doubler en laissant une distance de sécurité. Cela rendait les journées stressantes et fatigantes. Et comme, en plus, les paysages n’avaient rien de particulièrement intéressant, je les trouvait particulièrement longues.
Malheureusement, en Lituanie comme en Lettonie, le réseau routier n’est pas très développé. Le choix d’itinéraire, au mieux binaire, se fait bien souvent entre une voie rapide et des pistes de sable ou de gravier fraîchement étalé, donc absolument impraticables en vélo. De ce fait, quand je trouvais un itinéraire bis me permettant de rouler sur de petites routes bitumées, j’étais la plus heureuse des cyclistes ! Mais c’était rare !
En route pour Vilnius, alors que je m’apprêtais à m’embarquer sur ce que j’aurais volontiers appelé une autoroute si ce n’est qu’il n’y a pas de péage, j’ai fait une pause sur une aire de repos pour poids-lourds pour chercher une alternative. Mon objectif était désormais de minimiser le temps passé sur ces routes mais de visiter néanmoins ce que j’avais prévu en Lituanie. J’ai donc décidé de changer mes plans et de rejoindre Kaunas à 50 kilomètres de là où je me trouvais, pour ensuite me diriger vers Vilnius, par des routes que j’espérais plus praticables ; puis finalement prendre un train pour traverser la Lituanie d’Est en Ouest, m’épargnant ainsi quelques centaines de kilomètres désagréables.
Kaunas, une pause agréable
En arrivant à Kaunas, deuxième plus grande ville de Lituanie, je me suis posée deux nuits dans un camping très agréable au bord du lac. Cela me permettait de disposer d’une journée « off » pour visiter la ville, une pause bienvenue après tout ce stress sur les routes.
Après la photo souvenir devant le château, et surtout le nom de la ville, je suis allée me promener dans le cœur de la ville historique, aux rues pavées, bordées de demeures des marchands allemands des XVème et XVIème siècle. La ville est jolie et paisible, mais malheureusement, j’ai trouvé qu’un grand nombre de bâtiments mériteraient une rénovation.
Probablement peu concentrée lors de la lecture de mon guide, j’ai malheureusement raté la visite du fort IX qui semble être un musée très intéressant sur l’histoire récente du pays et de l’holocauste en Lituanie.
Trakai et son château médieval
Depuis Kaunas, j’ai roulé jusqu’à la ville de Trakai, dont le château médiéval fait la renommée. J’ai retrouvé un peu de plaisir à rouler sur de plus petites routes et parce qu’il y avait du dénivelé, un peu plus de 1000 mètres dans la journée, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Il est certain que rouler sur du plat est plus facile, mais ça finit par être un peu lassant. Au moins quand on peine dans la montée, on sait qu’on aura une belle descente à suivre, ça change de rythme régulièrement, ce qui est sympa. Et il est juste d’ajouter que j’avais – enfin – le vent dans le dos, ce qui aide aussi !
Arrivée à Trakai, j’ai repéré une maison où il était proposé de planter sa tente dans son jardin, face au lac et au château. La lumière au coucher du soleil était magnifique, je n’aurais pas pu espérer un meilleur endroit.
Le lendemain matin, j’ai d’abord fait un tour dans la ville pour admirer ses jolies petites maisons en bois, puis j’ai visité le fameux château de Trakai. C’est un château médiéval construit aux alentours de 1400 qui fut longtemps la résidence des grands ducs de Lituanie. L’environnement est magnifique car le château est construit sur une île du Lac de Galve, mais j’ai été surprise par la technique de rénovation / reconstruction employée dans les années 1950, exploitant des briques rouges récentes qui, selon moi, dénaturent un peu le site. S’il a fière allure depuis l’autre rive, je le trouve moins beau de l’intérieur.
La ville, qui a occupé le rang de capitale de la Lituanie au XIIIème siècle, est à moins de 30 kilomètres de Vilnius. J’ai donc pu rejoindre cette dernière dans l’après-midi après ma visite, non sans pester contre une entrée de ville parmi les pires que j’ai eu à emprunter.
Une rapide visite de Vilnius
Je n’ai passé que deux jours à Vilnius, j’ai donc optimisé au mieux. J’ai d’abord visité la cathédrale avant de rejoindre un free walking tour qui m’a donné un bon aperçu de la ville et quelques infos intéressantes sur le pays, puis j’ai poursuivi la visite de la ville par moi-même. J’ai visité l’église des Saint Jean, enclavée dans l’enceinte des bâtiments historiques de l’université, puis je suis montée en haut de la tour de cette même église d’où on a une très jolie vue sur les toits de la ville. J’ai ensuite déambulé un peu au hasard dans les rues avant de monter en haut de la colline Ghedimin pour voir la tour du même nom, vestige d’un ancien château médiéval qui surplombait la ville.
Un peu assommée par la chaleur, j’ai décidé de terminer ma journée en visitant le musée du palais des grands ducs de Lituanie, profitant ainsi de sa climatisation ! Le musée retrace d’une part l’histoire des différentes constructions et reconstructions du palais qui a finalement été totalement reconstruit en 2002 après avoir été détruit au 19ème siècle. La visite se poursuit par un cheminement au sein des différentes salles du palais très luxueusement agrémentées.
Le lendemain matin, je me suis rendue à vélo sur le site de Paneriai, à 11km de Vilnius, où se trouve un mémorial de l’holocauste. Celui-ci se trouve au milieu d’une forêt, sur le site où ont été exterminés environ 100 000 personnes par les allemands pendant la guerre, dont la moitié des juifs de Vilnius. Les fosses d’exécution sont encore visibles, c’est bouleversant.
L’après-midi, après avoir de nouveau déambulé dans la ville, je me suis rendue au musée des victimes du génocide. Ce dernier est situé dans un ancien bâtiment utilisé successivement par la gestapo puis par le KGB. La visite retrace l’importance de la résistance des Lituaniens face aux Allemands pendant la guerre, puis contre l’occupation soviétique après la guerre. On prend aussi la mesure de l’hécatombe que ça a été : en moyenne les résistants survivaient 2 a 3 ans à leurs activités. La visite des cellules utilisées par le KGB est également impressionnante.
De l’Isthme de Courlande à la frontière Russe
Pour terminer mon séjour en Lituanie, j’ai pris un train depuis Vilnius me permettant de parcourir en 4 heures les 310 km qui me séparaient de Klaipėda. Cela m’a épargné quatre jours à rouler face au vent sur des routes inadaptées au vélo.
Passage presque obligé lors d’une visite de la Lituanie, l’Isthme de Courlande est une étroite langue de sable qui sépare la rive orientale de la mer Baltique et la lagune de Courlande et qui s’étire sur 98 kilomètres, de Klaipėda en Lituanie à Zelenogradsk dans l’oblast de Kaliningrad.
Après une rapide traversée en ferry entre Klaipėda et Smiltynė, j’ai bravé la pluie et me suis enfoncée dans la forêt sur la longue piste cyclable qui parcourt l’isthme du nord au sud. J’avais repéré sur mon application GPS un spot avec des tables abritées à 15 km en direction du sud. Cela me semblait idéal pour poser mon bivouac. En arrivant sur place, rincée par la pluie qui semblait ne pas vouloir s’arrêter, j’ai fait connaissance avec un Lituanien ne parlant pas anglais mais se débrouillant en français. Il m’a expliqué qu’il habitait Vilnius et qu’il avait une maison de vacances sur l’isthme. Il était parti cueillir des champignons et s’était abrité en attendant que la pluie cesse. Au fur et à mesure de notre discussion, alors qu’il s’étonnait que j’envisage de dormir sous la tente, j’espérais qu’il m’invite à dormir à l’abri. J’ai cherché un moyen de lui tendre une perche mais je n’en ai pas trouvée et il est parti en me laissant planter ma tente sous la pluie. Je me suis promis de travailler mon speech à l’avenir !
Le lendemain matin j’ai passé une bonne partie de mon temps à mettre puis enlever mon équipement de pluie. Parfois, c’est à se demander s’il ne serait pas préférable qu’il pleuve franchement ! Malgré cette météo capricieuse, c’était le dernier week-end du mois d’août, avant la rentrée scolaire et les pistes cyclables étaient assez chargées.
J’espérais initialement rejoindre Kaliningrad par cet itinéraire, mais cette frontière est malheureusement fermée. Je ne pouvais donc rouler que jusqu’à Nida, au milieu de l’isthme, une quarantaine de kilomètres plus au sud, pour y prendre un bateau et rejoindre la côte.
L’isthme de Courlande est un endroit vraiment étonnant. Durant des années, les dunes se déplaçaient au fil du temps et des tempêtes, jusqu’à recouvrir entièrement certains villages. les autorités ont donc protégé le site en créant un parc national, planté des pins qui couvrent aujourd’hui 70% du territoire et restreint les accès aux dunes pour éviter d’endommager cet environnement naturel exceptionnel.
J’ai lu que la forêt était peuplée d’élans et de sangliers, je n’ai pour ma part vu que des renards, pas bien sauvages, qui semblaient très intéressés par le contenu de mes sacoches, à tel point que j’ai dû les faire fuir !
Les quatre villages de l’île étaient à l’origine des villages de pêcheurs mais ils se sont largement tournés vers le tourisme. Ils restent cependant assez préservés, et l’architecture des maisons rappelle l’histoire du territoire qui a longtemps appartenu à la Prusse avant que la Lituanie ne se l’approprie.
J’ai finalement pris un bateau dans le port de Nida pour rejoindre Minija. Après avoir traversé la lagune de Courlande, le trajet se termine dans la réserve naturelle du détroit du Niemen. C’est un lieu de passage pour de nombreux oiseaux migrateurs qui, à cette époque de l’année, redescendent vers le sud. J’ai pu observer notamment des cormorans, des hérons et des cigognes.
Le trajet en bateau dure environ deux heures, la plupart des passagers font l’aller-retour dans la journée. Il y avait un bar dans le bateau, et beaucoup d’ambiance… J’ai été rassurée de voir que la plupart des passagers montaient dans un bus à la sortie du bateau, je n’aurais pas voulu les croiser sur la route.
Pour ma part, j’ai profité de ces deux heures de trajet pour repérer un spot de bivouac au bord de la rivière qui semblait parfait. Mais en roulant pour rejoindre ce spot de bivouac au bord de la rivière, j’ai emprunté un chemin à travers les champs qui était coupé par une énorme flaque d’eau. Il était impossible de passer sur le côté en raison des barrières électrifiées. J’ai donc décidé de traverser bravement cette flaque d’eau à vélo. Mais celle-ci s’est avérée être bien plus profonde et boueuse que je ne l’imaginais. Surprise, j’ai perdu l’équilibre et me suis étalée au milieu de la flaque. Je n’étais pas fière de moi en ressortant toute gadoueuse !
Je me suis donc finalement décidée à chercher un hébergement pour me laver et rincer mes vêtements, chaussures et sacoches. À 20h30 un samedi soir dans une zone touristique ce n’était pas gagné, mais j’ai tout de même trouvé un bungalow quelques kilomètres plus loin.
Le lendemain j’ai repris la route en direction de la frontière avec l’oblast de Kaliningrad avec des chaussures rincées, mais encore largement mouillées. J’étais bien contente d’avoir, au fond de mes sacoches, une paire de chaussettes étanches !