Du sud de la Patagonie à l’Uruguay en voilier

=> Canal de Beagle et Océan Atlantique // du 30 mars au 12 avril 2016

J’avais rencontré Jean-Luc quelques jours plus tôt sur le port de Puerto Williams, il ne me proposait pas de faire une sortie à la journée comme je le souhaitais, mais nous offrait à Cécile et moi, une place sur sont bateau pour faire la traversée jusqu’en Uruguay via les iles Malouines. Après quelques instants de réflexion, nous avons, sans surprise, accepté la proposition. Il ne restait plus qu’à attendre la fenêtre météo favorable pour partir, afin de faire l’essentiel de la route avec le vent portant… enfin c’est ce qu’on croyait.

Départ pour 13 jours en mer

Après avoir fait l’avitaillement (les courses), nous nous sommes retrouvés tous les 3 sur Manara le mercredi 30 mars au matin. Le bateau, Manara est un dériveur en acier de 12 mètres, très confortable pour 3 personnes : chacun sa cabine ! Jean-Luc l’a acheté en 2012 pour faire un tour du monde avec. Finalement il a fait demi-tour en Nouvelle-Zélande pour repartir vers l’Est, mais il n’en reste pas moins un marin aguerri.

Il est le plus souvent accompagné d’amis et/ou de sa compagne, mais pour cette partie du trajet personne n’était disponible et il avait prévu de naviguer en solitaire. Le bateau sera finalement bien animé ! Cécile, elle, est débutante, elle n’avait fait que 2 sorties en voilier jusqu’à présent, mais elle est bonne cuisinière, ce qui compte beaucoup sur un bateau. Et pour ma part j’ai une bonne expérience de la voile, mais essentiellement du cabotage, je n’avais encore jamais fait une traversée de ce type.

Nous avons donc commencé notre première journée en mer dans le canal de beagle au moteur car il y avait peu de vent, et il était de face. Mais une fois n’est pas coutume ! Et c’était quand même une belle journée, on a pu observer des baleines au loin, un orque et de nombreux manchots. Puis la mer a commencé à se creuser, le vent à forcir doucement, nous avons pu envoyer les voiles, enfin le génois, car la grand voile attendra quelques jours. A 21h30 on est entrés dans le canal de Lemaire, qui permet de rejoindre l’Atlantique et c’est là que l’aventure a vraiment commencé. La mer était vraiment agitée, on était au près. Je suis allée me coucher assez tôt, la mer se creusait de plus en plus et je n’ai pas eu le temps de m’amariner… j’ai été malade toute la nuit. Course de ma cabine au cockpit pour « nourrir les poissons », retour dans mon duvet. Et rebelote ! Le mal de mer est quelque chose de vraiment horrible, et dans ce cas on est près à tout pour que ça cesse. J’en étais à me dire que j’allais débarquer aux Malouines. Pourtant je connais le mal de mer, ce n’est pas vraiment la première fois que ça m’arrive, mais c’est malgré tout chaque fois vraiment difficile. J’avais pourtant été prévoyante et je m’étais rendue à l’hôpital militaire de Puerto Wiliams qui dispose d’une pharmacie pour expliquer comme je le pouvais que j’avais besoin de médicaments pour le mal de mer. J’ai pris une gélule mais elle ne m’a fait aucun effet, je ne sais pas si c’est parce que je l’ai prise trop tard, ou parce que mon interlocuteur ne m’a pas comprise… tant pis.

Des débuts un peu difficiles

Les 3 jours suivants ont été difficiles, ça soufflait vraiment fort, et on était toujours au près. Je n’étais pas vraiment malade, mais pas bien non plus. Et du coup je passais l’essentiel de mon temps allongée dans ma cabine, à dormir ou ne rien faire. Impossible de lire, et je n’avais aucun courage pour sortir, manger ni boire. J’attendais avec impatience les Malouines. Non pas pour débarquer, mais au moins pour avoir un peu de repos.

Mais le vent a forcit progressivement, et quand on est arrivés aux iles Malouines le vendredi matin après 3 jours en mer, on avait 40 nœuds de vents avec des rafales à 45 (1 nœud = 1,8 km/h), et des creux (ou des vagues) de 8 à 10 mètres ! Les bateaux de pêche étaient en attente devant l’entrée du port car il était impossible de rentrer. Et on ne pouvait pas choisir un autre port abrité car il fallait impérativement faire les formalités administratives d’entrée dans le pays et c’était le seul port où on pouvait les faire. Jean-Luc a donc décidé de continuer la route. C’était définitif, je ne pouvais pas débarquer ☺, mais je me remettais tranquillement même si ce n’était toujours pas la grande forme.

Contrairement à moi, Jean-Luc et Cécile avaient annoncé à leur famille notre stop aux Malouines, donc ils allaient s’inquiéter. Il était impossible d’envoyer un SMS, mais on a envoyé un message par VHF au port pour donner le nom du bateau et indiquer qu’on continuait vers l’Uruguay, ce qui aura été bien utile, on l’apprendra à notre arrivée !

On a donc repris la route, au près, par 40 nœuds de vents, mais il a progressivement tourné et faibli, on s’est retrouvés au portant avec 25 nœuds de vent, ce qui est encore beaucoup, mais pour nous c’était maintenant presque de la gnognotte ! La mer était légèrement moins forte également, et j’ai enfin commencé à sortir de ma cabine, à lire, et à cuisiner autre chose que des risottos déshydratés. Le lundi, 5ème jour en mer, il y a 12 nœuds de vent au portant, je revis vraiment ! D’un coup tout va beaucoup mieux, je peux rester à l’extérieur comme à l’intérieur sans problème, je peux lire, cuisiner, dormir, faire tout ce que je veux. Je me sens enfin vraiment bien, et en plus il fait beau ! Et on envoie la grand-voile pour la première fois depuis le départ : Manara ressemble vraiment à un voilier.

Mais heureusement la météo a fini par s’améliorer

On passe les jours suivants à profiter pleinement de la traversée (surtout moi car Cécile et Jean-Luc n’étaient pas vraiment malades). Levers de soleil, lecture, cuisine, sieste, coucher de soleil, et même apéro ! J’en profite pour apprendre à Cécile tout le vocabulaire marin, essentiel pour se comprendre sur un bateau, dessins, exercices de matelotage, interrogations orales le lendemain… Avec Cécile on se fait également le plaisir de faire des cakes salés et des gâteaux tous les jours. Il faut dire que les journées sont longues et qu’on fait peu de manœuvres. Malheureusement je ne peux pas avancer sur mon blog car je ne peux pas recharger mon ordinateur. Un jour, 4 dauphins ont décidé de venir jouer et se pavaner à l’étrave du bateau, ils y sont resté au moins ½ heure, un vrai bonheur !

Arrivée près des côtes argentines

Une petite semaine plus tard on s’approche enfin des cotes argentines. Réveil à 2h30 du matin pour envoyer un SMS pour rassurer nos familles (surtout celle de Cécile !). On finit la traversée au portant, la mer est belle, c’est super, mais il y a un problème de réglage dans la barre à roue qui la durcit beaucoup, et de ce fait le pilote automatique vide toutes les batteries en un rien de temps, il faut donc barrer un maximum, et ça fait les muscles ! Heureusement que ca ne nous faisait pas ça au début de la traversée quand la météo était exécrable et qu’on prenait une vague dès qu’on voulait sortir le nez dehors…

Pour la dernière nuit en mer on organise des quarts. Habituellement Jean-Luc restait dans le carré et passait la tête dehors régulièrement pour vérifier qu’on ne croisait aucun navire, et le pilote automatique faisait le reste. Mais c’était possible parce que pendant les dix premières jours de notre traversée nous n’avons pas aperçu un bateau, mis à part à l’approche des Malouines. Mais cette fois on était vraiment plus près des côtes et il fallait être plus prudent. A trois, des quarts même de 2 heures ce n’est pas facile à tenir, d’autant que ce n’était pas animé, on n’a toujours pas croisé un seul bateau.

Et finalement en Uruguay !

Le dernier jour, on naviguait toujours au portant, la mer était belle, il faisait beau et presque chaud, c’était vraiment agréable. Je dévorais mes romans sur ma tablette allongée au soleil. Le soir on est arrivés de nuit à Colonia del Sacramento et on a mouillé (jeté l’ancre) devant le port pour faire une manœuvre plus aisée le lendemain matin et effectuer les formalités douanières. On a découvert à cette occasion qu’un avis de recherche avait été lancé nous concernant, heureusement qu’on avait donné notre route en passant devant les Malouines ! Mes parents ne m’attendaient pas avant une semaine, pour leur part ils n’étaient absolument pas inquiets : pas de nouvelles, bonnes nouvelles !

Au total on a fait plus de 1600 miles nautiques, soit plus de 3000 km sur l’eau, en 13 jours. C’est la première fois que je faisais une telle traversée. J’ai vraiment apprécié cette expérience, et l’ambiance sur le bateau était super bonne. Mais je ne suis pas certaine de repartir très vite pour ce genre d’aventure, je préfère définitivement le cabotage.

En vidéo…

4 commentaires

  1. Enfin des images de Manara , et une trés jolie vidéo! Je suis Guytou, un copain de montagne de Jean Luc, et il m’envoie régulièrement des mails sur son parcours, mais je n’avais pas vu ni photos ( ou si peu) ni film de son périple . Merci d’avoir comblé mes désirs!
    Il m’avait bien écrit qu’il avait pris deux passagères a Puerto William.J’espère que vous n’avez pas abusé de lui le pôvre! ( lol!)
    Bonne continuation dans votre trip!

    • Bonjour Guy,

      Merci pour ce gentil message, c’était un plaisir de monter cette vidéo, me rappelant de bon (et quelques plus difficiles) souvenirs. :-)

    • Bonjour Bernard, je suis ravie de ce message, mais je crains qu’il ne s’adresse pas à moi car je n’ai pas souvenir que l’on se soit croisés… c’est probablement avec Jean-Luc que tu as passé deux bonnes soirées, et je n’en serais pas surprise. Mais peut-être à un de ces quatre !

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